Voici le texte intégral :
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Printemps arabe : un entretien avec Moulay Hicham
Propos recueillis par Stephen Smith
Personne ne pouvait apporter un point de vue plus informé sur les bouleversements dans le monde arabe que le prince Moulay Hicham ben Abdallah El Alaoui. Cousin germain du roi du Maroc, Mohammed VI, et héritier par sa mère libanaise d’une grande lignée panarabe, il est également chercheur et enseignant au Center on Democracy, Development, and the Rule of Law de l’université de Stanford, en Californie. Dès 1994, il avait créé l’Institut d’études régionales pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie centrale à l’université de Princeton où il avait débuté ses études. Il dirige par ailleurs une Fondation pour la recherche en sciences sociales sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient qui porte son nom (http://moulayhichamfoundation.org/fr). Né en 1964 à Rabat, Moulay Hicham s’est installé en 2002 aux États-Unis pour des raisons qu’il explique ci-après.
Stephen Smith. – Vous vous exprimez sur le monde arabe à bien des titres: comme membre de la famille royale au Maroc, comme «prince rouge» chéri ou honni dans les médias, mais aussi comme chercheur à l’université de Stanford ou comme mécène d’une fondation de recherche en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Alors, au juste, d’où parlez-vous et en quelle qualité?
Moulay Hicham. – Nul ne s’invente. De par mon père, Moulay Abdallah Ben Mohammed El Alaoui, j’appartiens à la famille régnante au Maroc et je suis très fier d’être membre d’une monarchie qui s’est alliée au peuple pour mettre fin au colonialisme. De par ma mère libanaise, Lamia el-Solh, j’appartiens à l’une des grandes familles nationalistes du monde arabe qui a essaimé à travers toute la région. Mais ma «familiarité» avec le monde arabe n’est pas seulement le fait de mes liens de parenté. Après mes études à Princeton, j’ai poursuivi des recherches sur des transitions démocratiques pour sortir de l’autoritarisme. Désormais, je suis Consulting Professor à Stanford. Bref, c’est un tout. J’ai grandi au palais au côté de mon cousin, qui est devenu le roi Mohammed VI. J’ai très tôt dit mon fait au roi Hassan II tout en apprenant énormément de lui et en accompagnant mon père – quand il était le représentant personnel de son frère – dans des missions diplomatiques à l’étranger. Après la mort de mon oncle, j’ai continué de soutenir publiquement que le makhzen, c’est-à-dire le pouvoir patrimonial au Maroc, devait périr pour que la monarchie vive et serve les Marocains. Je me suis également prononcé contre le califat, autrement dit contre une monarchie sous l’autorité du «Commandeur des croyants» mêlant prérogatives politiques et religieuses. Tout cela, je le pense et le défends toujours, à la fois en raison de ce que je suis et à cause de ce que j’ai fait de moi. Certes, personne ne s’invente. Mais je suis, aussi, le résultat de mon parcours et de ma réflexion. On peut être entier, du moins je l’espère.