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Monday 25 July 2011

Casa ma ville

J’aimerai, dans ce premier billet, rappeler le triste sort que subit le patrimoine immobilier historique au Maroc. Quasiment toutes les villes du Maroc en sont victimes mais il y a une semaine, ma ville, Casablanca, venait de subir une nouvelle amputation avec la démolition du "Piot-Templier". Un des beaux immeubles art-déco construits au début de siècle dernier qui ornent le boulevard Mohamed V (ancien boulevard de la Gare). Tant de voix se sont levées pour le défendre mais les prédateurs saisissent la moindre occasion pour amputer la ville d’une partie de son histoire. Hier le Théâtre Municipal, l’Hôtel Lincoln, la Villa Cadet, la Piscine Municipale, etc. aujourd’hui le Piot-Templier.

Des efforts pour rendre Casa (et d'autres villes) plus belle ont été consenti depuis quelques années mais cela ne sort pas du cadre habituel dans lequel travaille notre makhzen : La politique d'embellissement des façades. On a retape les avenues les plus "visibles" mais on délaisse encore et toujours le reste. Mais que peut-on attendre d’une administration municipale totalement corrompue, des élus qui ne sont là que pour leurs intérêts personnels et dont les magouilles sont le pain quotidien ? Casa est le symbole même de la mauvaise gestion des affaires publiques et de la négligence de l’état envers notre patrimoine collectif. On construit et on construit parce qu'on fait de gros bénéfices et de gros bakchich dans l'immobilier, mais en même temps des chefs-d’œuvre architecturaux sont laissés à l'abandon quand ils ne sont pas tout bêtement démolis.

Le comble du ridicule est ce triste spectacle qu’a essayé de nous jouer le maire de la ville. Supposé être le garant de la préservation du patrimoine de Casablanca, Sajid préfère jouer la vierge offensée. Il clame qu’aucun recours juridique n’était encore possible, et qu’en signant le permis de démolition il ne faisait qu’exécuter une décision de justice. En fait, il fait semblant d’ignorer, qu’une décision du ministère de la culture datant de Janvier 2011, soit plusieurs mois avant la délivrance du permis de démolir, avait officialisé l’inscription de l’immeuble comme patrimoine national.

Bulletin Officiel publié le 21 février 2011

Casamemoire a bien tenté d’alerter l’opinion publique mais c’était trop tard, le mal était déjà fait. Un bijou du patrimoine casablancais a été jeté aux pieds des pelleteuses et peu importe ce qu’on va construire à la place, l’agencement du boulevard Mohamed V est brisé à jamais.

Rappelons aussi le drame de l’Hôtel Lincoln (l’immeuble Bessonneau) qui tombent littéralement en ruine chaque jour devant des casablancais impuissants. L’administration se réveillera-t-elle un jour pour sauver ce qui peut encore l’être de ce bijou architectural ?

Parallèlement à cette frénésie immobilière qui rafle tout sur son passage, Casa manque très cruellement d'espaces verts. La ville étouffe sous le béton mais il n'y a aucun responsable pour dire Basta! Récemment, la zone qu’occupait l'ancien aéroport d'Anfa a été rendu disponible. L'état avait alors une occasion en or pour transformer ce grand espace sous-utilisé en espace vert qui aurait redonné vie à toute la ville. Malheureusement, on a raté cette chance unique, et on va y faire quoi ? du béton et encore du béton ... J’y aurais vu une grande bibliothèque, des espaces verts pleins la vue, un jardin botanique, etc. Je rêvais que Casa allait avoir son central Parc” mais l’administration me promet des R+5!

Vue générale du plan présenté par la frime Reichen Robert & Associés
La vielle ville se meurt, la toute mini-forêt de Bouskoura se fait grignoter de tous les côtés, l’université Hassan II a des aires de bidonville… Les enfants de toutes la ville jouent dans les rues par manque de terrains de sport, de parcs et d’espaces de jeux. Y-a-t-il encore des urbanistes non-corrompus dans ce pays ?

Depuis les débuts du règne de Hassan II, d’honorables et courageuses voix n’ont cessé de critiquer la gestion des affaires publiques au Maroc. Bien plus de langues se sont déliées depuis #feb20. Toutefois, la gestion désastreuse des collectivités locales échappent encore un peu aux feux de la critique. C'est pourtant là où se conjuguent beaucoup des politiques générales du pays. Il n’y a de meilleurs endroits pour constater l’échec retentissant des politiques au Maroc, que de regarder comment nos villes sont gérées, que ce soit par les instances élues ou par l’administration. Casablanca et toutes les villes du Maroc méritent bien plus d’attention. Espérons que le vent de changement qui finira par emporter les corrompus de tous bords sera bénéfique pour la préservation de notre patrimoine…


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