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Monday 28 November 2011

Législatives marocaines: Nouvelle partie du même jeu


Abdelillah Benkirane, patron du PJD, est en une de presque toute la presse du royaume de ce week-end. C'est grâce à la victoire de son parti aux premières législatives marocaines sous la nouvelle constitution. Victoire nette, qui  tend à faire croire à un jeu politique clair mais qui, à mon avis, en cache un autre, bien moins glorieux.

Avant de commenter le résultat de ces élections, j'aimerai revenir sur un épisode qui a fait scandale au début de l'année mais qui a vite été oublié. Il donne une petite indication sur la suite des choses. Jamaâ El Moâtassim membre de l'équipe dirigeante du PJD a été arrêté pour "corruption, abus de pouvoir, falsification de documents officiels et administratifs". Le jour où il devait être présenté devant le juge, il été nommé par le roi comme membre du nouveau conseil économique et sociale!! Quiconque connait le système de justice marocain, sait qu'il est sous les ordres et quiconque a un peu de bon sens sait qu'on ne sort pas un homme de prison avec une liste d'accusations de corruption aussi longue qu'une liste d'épicerie pour le nommer dans un conseil créé pour apaiser la contestation anti-corruption! Moâtassim n'a probablement pas été sorti de prison par manque de preuves, présomption d'innocence ou autre beau principe de justice. L’hypothèse selon laquelle sa remise en liberté faisait partie d'un deal plus large en contre-partie d'une prise de position anti-20 février de la part du PJD, me parait plus crédible. On a bien vu comment les deux parties ont rempli leur contrats jusqu'au bout: Le palais en nommant Moatassim dans le conseil machin-machin et Benkirane en attaquant le mouvement du 20 février à volonté. La victoire du 25 novembre semble être la deuxième partie de la récompense...

Revenons un peu au contexte: La monarchie naviguait tant bien que mal à travers les eaux tumultueuses du printemps arabe. On fait montre d'une sérénité imperturbable mais personne n'est dupe. Tous les scénarios sont possibles et (espérons que) le roi et ses conseillers en sont conscients. À partir de là, le Makhzen montre l'étendue de son talent en pratiquant son sport favori: La carotte et le bâton. On joue sur tous les fronts. On tabasse, on arrête, on juge, on condamne, on achète des consciences, etc. 

La constitution octroyée, les élections octroyées, l'affaiblissement du PAM, la défaite du G8, la victoire du PJD, etc. Tout cela fait partie de la recette pour sortir la monarchie de cette crise et le héros de cet épisode est tout trouvé. Benkirane n'est pas moins royaliste que Mezouar ou Biadillah. Au contraire, il l'est bien plus parce qu'aux yeux de beaucoup il est plus crédible dans ce rôle contrairement aux autres marionnettes (de la grande majorité) des autres partis. Il a une base solide et de vrais électeurs qui l'écoutent. Pour le palais, il est beaucoup plus efficace. Et devinez qui en sort gagnant ?

En ce moment de faiblesse, le palais espère faire d'une pierre deux coups. D'un côté, faire croire aux leurres de l'exception marocaine et de la "nouvelle" constitution. De l'autre, décrédibiliser le seul acteur politique susceptible de constituer un jour ou l'autre une quelconque opposition au roi.

Ça ne vous rappelle rien ? Hé oui! c'est du déjà-vu. Dans un moment de faiblesse pareil (pour d'autres raisons), Hassan II a tenté exactement la même expérience avec l'USFP. Les résultats ont dépassé ses attentes. Est-ce que le PJD va tomber dans le piège! Tout porte à y croire. Il a l'air à s'y diriger à vitesse grand V, tête première! Les dernières déclarations de son chef, qui sonnent comme un vieux disque de Abbas El Fassi, sont là pour le prouver.

Malgré tous les désaccords qu'on peut avoir avec son idéologie, il est vrai que le PJD est un moindre mal. Il est vrai que le PJD est à la botte du palais mais moins que les autres partis. Il est vrai que le PJD compte en son sein des hommes bien plus intègres que la majorité des politiciens marocains. Il ne faut quand même pas se voiler la face; toutes les clés du Maroc sont encore aux mains du roi. En tant que gouvernement élu, est-ce que Benkirane & co. auront l'envie et les couilles pour faire un tout petit contrepoids à l'hégémonie du roi sur les affaires publiques ? Espérons le. Mais mon réel espoir est surtout que les marocains ne soient pas dupes et que cette nouvelle carte ne change pas grand-chose à leur combat pour une vraie démocratie. Le faible taux de participation aux élections est un bon signe, je l’espère...

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